Résistance

Des documents sur la résistance

1 – Le témoignage de Yolande Guthmann

2 – Les collégiens dans la résistance

3 –  Echange de courriers avec Madame Yolande Guthmann-Kassel et le Colonel Pierre Le Comte

Propos sur la Résistance

1940… 2000 : 60 ans se sont écoulés depuis la défaite française avec son cortège de réfugiés, de malheurs, de souffrances et d’humiliations.

Après juin 1940, c’est le retour de nos soldats qui ont réussi à échapper aux stalags, mais que leurs aînés de 1914-1918 accueillent parfois avec d’ironiques plaisanteries…

Mais ce sont aussi des retrouvailles avec les camarades plus jeunes ou qui n’ont pas été mobilisés et qui s’interrogent sur les responsabilités de la défaite. Si quelques uns préconisent de rester neutres et de subir l’occupation allemande, d’autres au contraire, partagent les idées des parlementaires ayant refusé les pleins pouvoirs à Pétain et se déclarent en plein accord avec les hommes qui à Londres répondent à l’appel lancé le 18 juin par le Général de Gaulle. Ils pensent en effet qu’il faut s’opposer à la collaboration avec l’ennemi et sont soucieux de retrouver la dignité et l’honneur, imprégnés qu’ils sont de l’exemple de leurs parents et des enseignements qu’ils ont reçus de leurs instituteurs et professeurs.

Pendant ce temps Pétain se nomme  » Chef de l’Etat « , supprimant toute référence à la République, le gouvernement s’installe à Vichy et déjà commencent à apparaître les premières mesures antisémites.
Au cours de l’année 1941, l’idée de résister progresse lentement dans l’esprit d’une partie de la population. La Résistance fait ses premiers pas au milieu d’un peuple qui, dans son désespoir, avait tout d’abord espéré dans sa majorité, que Pétain  » sauverait ce qui pouvait l’être « . Mais l’armistice, la poignée de mains de Montoire avec Hitler le 24 octobre 1940, les lois antisémites,  » l’épuration  » d’éléments profondément républicains, font basculer peu à peu cette majorité.

L’Angleterre continue seule la guerre contre l’Allemagne. Isolée du continent, elle sent la nécessité d’établir des contacts afin de mieux connaître la situation en France et, à cet effet, envoie sur notre sol des équipes d’agents chargés, les uns de former des réseaux de renseignements, les autres d’assurer par des liaisons radio, le contact avec le Quartier Général de la France Libre à Londres.

En France, de petits groupes commencent à se former et à s’organiser, avec parfois la complicité de certains services publics et de leurs dirigeants locaux. Puis, au fur et à mesure qu’elle prend corps et se développe, la Résistance prend conscience d’elle-même et de sa force, confortée en cela par les interventions radiophoniques du Général de Gaulle et de l’équipe des  » Français parlent aux Français « . Celles-ci sont à coup sûr un facteur de mobilisation de l’opinion, surtout lorsque se déclenche, le 22 juin 1941, l’invasion de la Russie Soviétique par le IIIème Reich, libérant ainsi une force considérable pour l’action en France.

L’esprit de résistance s’installe chaque jour davantage dans la population qui écoute de plus en plus les émissions de la B.B.C. en dépit des brouillages effectués sur les ondes par l’Occupant, ou de ses menaces et des arrestations de plus en plus nombreuses auxquelles il procède, soit directement, soit par l’intervention de la police vichyssoise ou de la redoutable Gestapo.

C’est dans ce contexte que le 11 novembre 1942, les allemands envahissent la zone dite  » libre « , mesure qui bouleverse le travail des réseaux et en décapite plusieurs, mais qui entraînera, en contrepartie, une réunification de la Résistance. Désormais, il n’y a plus qu’occupés et occupants et, si la Résistance y perd beaucoup des siens, elle y gagnera une cohésion essentielle.

Début 1943, sous le fallacieux prétexte d’obtenir la libération de prisonniers des stalags, Vichy sous la pression de l’Occupant, instaure le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.). De jeunes français des classes 1941, 1942 et 1943 doivent partir travailler en Allemagne pour le compte de l’ennemi pour renforcer son potentiel de guerre. Mais les  » Volontaires  » et les  » Requis  » ne se pressent pas sur les quais de gares. Le temps qui s’écoule avec les désastres subis en Russie par la Wermacht font que beaucoup de nos jeunes vont se  » planquer « , en campagne notamment, en attendant de rejoindre un maquis organisé.

De son côté Vichy crée la Milice, police auxiliaire au service de l’Occupant et de ses Collaborateurs, qui se distinguera par ses nombreuses arrestations, ses tortures et ses atrocités de sinistre mémoire.

Cependant, la Résistance est de mieux en mieux organisée, encadrée, informée de son rôle et instruite des opérations auxquelles elle devra se livrer le moment venu. L’envoyé spécial du Général de Gaulle, Jean Moulin, réussira en dépit des difficultés rencontrées et des risques encourus, à unifier les différents Mouvements avec des structures adaptées et à mettre en place le Conseil National de la Résistance (C.N.R.) dont la première réunion se tint à Paris le 27 mai 1943. Cet acte fut d’une importance capitale pour la suite des évènements car il confirmait au Général de Gaulle son entière légitimité en qualité de seul Chef des Forces Françaises Libres et de toute la Résistance.

Hélas, l’ennemi et ses valets resserrent de plus en plus leur étau. De nombreuses arrestations interviennent, suivies des tortures les plus ignobles,  » d’expédition  » en Allemagne à destination des camps et des chambres à gaz ou des poteaux d’exécution. C’est ainsi que Jean Moulin est arrêté par la Gestapo en juin 1943, affreusement torturé à Lyon par Barbie et ses sbires et qu’il mourra dans le train qui l’emportait en Allemagne.

Mais la Résistance, bien que profondément éprouvée par la perte de ce grand patriote Résistant, ainsi que par celle de certains de ses Chefs ou Responsables, continue néanmoins à s’organiser, aidée matériellement par les précieux parachutages clandestins venant de Londres.

Le Conseil National de la Résistance poursuit également son activité, préparant la période insurrectionnelle, celle de la lutte ouverte contre l’ennemi à l’intérieur du Pays. Celle-ci débutera le 6 juin 1944, jour du débarquement allié sur les côtes de Normandie, avec pour but essentiel de réduire au maximum et par tous les moyens, les déplacements des renforts ennemis se dirigeant vers le front de Normandie.

Voilà, très brièvement résumés, le climat, les circonstances et les conditions générales dans lesquel s la Résistance prit naissance, se développa et s’organisa, avant de s’engager à partir du 6 juin 1944, au côté des troupes alliées, dans les opérations militaires qui aboutirent à la Libération de la France et lui rendirent sa grandeur dans la Liberté reconquise.

Après avoir exposé les conditions générales dans lesquelles la Résistance prit naissance, se développa et s’organisa, et avant de relater les opérations militaires auxquelles elle prit une part active après le 6 juin 1944, il m’a semblé judicieux de rapporter les évènements qui se sont déroulés dans l’Indre, et notamment dans la région de La Châtre et ses environs, de 1942 à juin 1944, dans le cadre local de l’activité de la Résistance.

Depuis 1942, à l’épicerie-buvette du  » P’tit Mur  » à La Châtre, tenue par Ginette et Gaston Langlois, se réunissent, le soir, quelques hommes n’acceptant pas la défaite et refusant la collaboration avec l’Allemagne nazie.

Vers cette même date (fin 1941-début1942), le mouvement  » Libération  » s’organise dans l’Indre avec Robert Monestier, principal responsable, et Robert Chabenat son adjoint.

Début septembre 1942, à Châteauroux, Robert Chabenat présente Gaston Langlois à Robert Monestier et à un représentant du Directoire régional du Mouvement (R5). Celui-ci demande à G.Langlois d’être le responsable du secteur de La Châtre (code I 40) sous le pseudonyme de Lenoir. Le secteur couvre l’arrondissement moins le canton d’Eguzon, mais possède en plus une antenne à Châteaumeillant (Cher) dont Georges Athomas est responsable.

Très rapidement, l’organisation du secteur prend forme avec, autour de Lenoir, Charles Daugeron, Robert Abrioux, Henri Bonnin, Le Peutrec, Paul Théveniau, et André Léon Langlois qui se partagent activités et responsabilités.
Peu de temps après, se constituent des sous-secteurs avec leurs responsables : La Châtre avec Marcel Auvieux, Pouligny Notre Dame avec Ernest Gasne, Néret avec Marcel Langlois, Crevant avec Georges Chauffour, Briantes avec Albert Autissier, Neuvy Saint-Sépulchre av ec Charbonnier, Châteaumeillant sous la direction de Georges Athomas, Chassignolles avec Marcel Chaussé, Aigurande avec Leroux, Aubrun et Prétet, Saint-Chartier avec Joseph Luneau.
Dans chaque sous-secteur, une ou plusieurs sizaines sont constituées, toutes composées de volontaires prêts à combattre l’occupant jusqu’à la libération du Pays. Simultanément, des terrains de parachutage ou d’atterrissage sont homologués par Londres (Daphné à Sazeray, Acre à Néret, Beddes près de Châteaumeillant).
Le 29 janvier 1943 voit la fusion des Mouvements Combat, Franc-tireur et Libération. Ceux-ci formeront désormais les Mouvements Unis de Résistance (M.U.R.) avec son Armée Secrète.

Le 16 février 1943, c’est la promulgation de la loi créant le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) qui contribuera à un apport important de réfractaires qui seront dirigés et camouflés dans les divers sous-secteurs (Pouligny Notre Dame, Chassignolles, Châteaumeillant, Aigurande, Saint Chartier etc…).

Le secteur I 40 étant bien structuré, il convient de trouver pour l’Armée Secrète (A.S.) un responsable militaire, si possible un officier d’active ou de réserve. A la suite des contacts pris par les camarades de Briantes et Gaston Langlois, Fernand Mignaton, Directeur de l’Ecole de Briantes et Capitaine de réserve, accepte de prendre le Commandement de l’A.S. pour le secteur I 40.

Par ailleurs, depuis fin 1941-début 1942, un autre groupe clandestin s’est manifesté par diverses actions dans la ville de La Châtre (tracts, graffiti, inscriptions sur les murs, distribution de journaux clandestins etc…). C’est le groupe des  » Collégiens de La Châtre  » avec son bouillant chef de groupe Jean Pacton (Ardent) accompagné de François Brault, son adjoint, et de Yolande Gerbaud, leur dynamique et infatigable animatrice.

Lenoir (G.Langlois) présente J. Pacton à Mignaton qui décide de constituer avec ce groupe, le corps franc de son dispositif A.S., dont Jean Pacton aura le commandement, et sera notamment chargé d’intensifier la formation des hommes dans les différents sous-secteurs après la réception d’un échantillonnage d’armes et de matériels composant la panoplie des Résistants.

Les évènements vont alors se précipiter :

  • le 18 juillet 1943 : les Résistants de Châteaumeillant reçoivent le parachutage de 1800 kg d’armes et de matériels divers, organisé à l’initiative de G. Athomas.
  • le 7 octobre 1943 : neuf Résistants de Sancoins, arrêtés par la Gestapo, sont fusillés sur le Polygone de Bourges.
  • le 9 octobre 1943 : Georges Athomas et Théophile Pitault de Châteaumeillant, fichés par la Gestapo, quittent leurs domiciles craignant une possible arrestation et vont se camoufler chez des amis.
  • le 13 octobre 1943 : en raison du danger que fait courir le dépôt d’armes parachutées, celles-ci sont dispersées vers Briantes, Montgivray et Aigurande à l’aide des camions fournis par Prétet à Aigurande et Le Peutrec à La Châtre.
  • fin novembre 1943 : la ligne HT de 200 000 volts qui part du barrage d’Eguzon vers la région parisienne où des usines travaillent à plein pour l’ennemi, doit être  » neutralisée  » en plusieurs points. Des spécialistes venus d’Angleterre et composant la Mission Armada sont chargés de l’exécution. Lenoir est chargé d’approvisionner en plastic et accessoires les agents de la Mission, fournitures qui sont prélevées sur les dépôts de Briantes et Montgivray du parachutage de Châteaumeillant. Opération d’une envergure exceptionnelle qui verra la destruction des pylônes installés à Gournay.

La situation va encore évoluer par l’arrivée, début décembre 1943, dans l’Indre, du Capitaine Robert Vollet de l’Ecole Nationale des Cadres du Maquis du Haut-Jura, bientôt rejoint par les Lieutenants Achille Lespagnol, Jacques Borie et Roger Barras, qui constituent la Mission Périclès près de laquelle Jean Pacton et Pierre Gass (un autre Collégien) effectueront un stage. Dès lors, l’instruction militaire devient de plus en plus poussée.

Mais hélas, de pénibles évènements vont survenir :
  • le 26 décembre 1943, Auguste Chantraine de Tendu, ancien maire révoqué par Vichy, est arrêté et déporté à Mathausen où il décédera.
  • le 15 février 1944, Raymond Plique, hôtelier à La Châtre, est arrêté et déporté à Dachau avec d’autres Résistants pris dans la rafle du 31 mai.
  • le 21 février 1944, M. Henri Prieuré, régisseur du Château de Montveillé à Lacs est arrêté et déporté à Dachau.
  • Vers la même date, M. Bocquillon réfugié à Pouligny N.D. est arrêté et déporté au camp de Neuengamme où il décédera.

Autre évènement qui eut une fin tragique, dans la nuit du 5 au 6 avril 1944 Lenoir avec son équipe opérationnelle reçoit, sur le terrain de Néret (chat) par parachutage du S.O.E. (Special Operation Executive) la mission  » Beaudoin Labourer  » qui aura pour objectif d’anéantir, la veille du débarquement, le Haut Etat Major Allemand du sud de la France installé près d’Angers et d’organiser, le jour J, la destruction des voies de la gare de triage de St. Pierre des Corps. Un des membres de la mission se rend à Paris où il rencontre un contact  » sûr  » avec lequel il rentre à La Châtre et Briantes où il retrouve ses camarades. D’après les renseignements qui leur sont fournis, les trois membres de la mission doivent rejoindre d’urgence la Capitale. Hélas le  » résistant  » est un agent double. Torturés à Fresnes, nos trois camarades seront déportés à Buchenwald où ils seront exécutés le 10 septembre 1944. L’agent double, un étudiant (René Lavaud) sera fusillé également par la Gestapo.

Cependant la Résistance continue de s’organiser et de se structurer. C’est ainsi que le 23 avril 1944, le Capitaine Mignaton avec Robert Monestier et le Capitaine Carpy (chef départemental de l’A.S.) élaborent le plan d’organisation militaire de la région qui s’articulera sur trois unités tactiques (La Châtre-Neuvy-Aigurande) dont le noyau (d’environ 300 hommes) sera fourni par les éléments des sous-secteurs du secteur I 40. C’est l’ébauche du Groupe Indre-Est. Mais le lendemain 24 avril 1944, la Gestapo arrête le Capitaine Carpy à son bureau. Il sera déporté à Neuengamme. Robert Monestier et Robert Chabenat échappent au même sort le 28 avril.

Autre alerte : le 8 mai 1944, le chef de la Gestapo de Châteauroux, (le Grand Schmidt) surgit à 7h du matin au domicile de Mignaton à Briantes. Celui-ci, sur le qui-vive, peut s’enfuir et se replier à Pouligny N.D. à la Chaume Blanche, avec sa fille Rolande en compagnie de Ginette et Gaston Langlois où ils seront rejoints par Mme Mignaton. Et les évènements continuent de se précipiter :

  • dans la nuit du 12 au 13 mai 1944, deux Résistants de Briantes (M. Labergère et R. Rotinat) sont arrêtés à Pouligny N.D. par trois gendarmes de Sainte Sévère.
  • le 28 mai, Robert Jallet (Clovis) chef départemental des M.U.R. est arrêté.
  • le 31 mai, la terrible rafle de Châteauroux : Robert Massé Chef de Cabinet du Préfet, L.E. Sirvent Secrétaire Général de la Préfecture, les frères André et Paul Bellier, le Commandant Pichené commandant la défense passive du département, Roger Cazala pharmacien, sont arrêtés.
  • le 1er juin la Gestapo fait irruption au P’tit Mur pour arrêter Ginette qui avait dû revenir chez ses parents pour un motif urgent. Grâce à un voisin (M. Galonské) qui la prévient et à Pierre Gerbaud qui la reconduit à Pouligny N.D. dans sa camionnette, elle évitera l’arrestation.

L’étau se resserre de plus en plus. Mais le jour J approche. Depuis la deuxième quinzaine de mai, on a enregistré plus de vingt parachutages dans le département et les sabotages des voies ferrées commencent à se multiplier.

Les messages personnels diffusés les 1er et 5 juin annoncent enfin que l’opération  » Overlod « , préparée par les Alliés et tant attendue par les Résistants, entre dans sa phase d’exécution. Les combattants de l’ombre vont enfin sortir de la nuit et se battre au grand jour, les armes à la main.

La Mission Périclès est dissoute. Jusqu’alors en gestation, le Groupe Indre-Est des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), sous les ordres du Lieutenant Colonel Robert Vollet (Robert), entre alors dans son histoire et va passer à l’action.

Cette nouvelle phase de l’insurrection fera l’objet d’un autre exposé dans un prochain bulletin de notre Amicale.

Après avoir exposé dans le bulletin 2000 les conditions générales dans lesquelles la Résistance prit naissance puis dans le bulletin 2001 les évènements qui ont conduit à la naissance du Groupe Indre-Est des Forces Françaises de l’Intérieur, Emile Dervillers relate ici les actions du groupe ainsi constitué.

Les messages personnels diffusés les 1er et 5 juin annoncent enfin que l’opération  » Overlod « , préparée par les Alliés et tant attendue par les Résistants, entre dans sa phase d’exécution :

  • Jeudi 1er Juin 1944 à 21 heures, 1er message de la B.B.C. :
     » Les sanglots longs des violons de l’automne « 
  • Lundi 5 juin, second message :
    « blessent mon cœur d’une langueur monotone « 

Le général en chef de toutes les armées alliées, Dwight Eisenhover, donne l’ordre de l’attaque. Pour la Résistance française c’est le déclenchement de plusieurs plans : harcèlement de l’ennemi, paralysie du réseau ferroviaire, coupure des lignes électriques et des lignes téléphoniques. Pour notre région le lundi 5 juin la BBC diffuse deux nouveaux messages :

  •  » dans la forêt normande il y a un grand livre  » : ordre de sabotages et de coupures diverses,
  •  » mon père gardez-vous à droite  » : déclenchement de la guérilla.

Concrétisant l’ordre donné par le GQG Allié, le Général De Gaulle, dans une allocution du 6 juin, déclare : « Pour les fils de France, le devoir simple et sacré est d’attaquer l’ennemi par tous les moyens dont ils disposent « . A l’annonce du débarquement, le 6 juin 1944, c’est l’explosion ! De partout surgissent des hommes et des femmes que nul ne soupçonnait d’appartenir à la Résistance. Ce sont ces combattants de l’ombre, encore peu ou mal armés, qui vont constituer les premiers éléments des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) placées sous le commandement du Général Koenig. C’est dans ce cadre que les Résistants des MUR-AS du secteur I 40 de La Châtre rejoignent les points de regroupement du groupe Indre-Est placé sous le commandement du Lieutenant Colonel Robert Vollet (Robert) et de son Etat Major.
Au début les effectifs des unités tactiques ainsi constituées ne permettent pas la formation de bataillons : ce ne sont que des groupements de compagnies organisés par regroupement des secteurs. Ces unités qui deviendront par la suite les trois bataillons du GIE seront placées sous la responsabilité de Lucien Dubreuil (1er bataillon), de Gabriel Duplaix (2ème bataillon) et du Capitaine Leroux (3ème bataillon) ;

Après leur rassemblement sur les différents points fixés, les groupes constitués viendront s’installer tout d’abord au Virolan (Briantes) où l’organisation et la mise en place des troupes se poursuivra. Dans la nuit du 10 au 11 juin 1944 une mission inter-alliée est parachutée près de Belâbre (Mission Hamish) : elle est composée de deux officiers américains (Bob et Lee) et du Lieutenant français Lucien, elle rejoint le GIE pour participer aux opérations et assurer la liaison par radio avec Londres, notamment pour la parachutages. Dès lors le GIE est solidement constitué et implanté dans toute la région qu’il doit couvrir.

En ce qui concerne plus particulièrement le 1er bataillon, unité à laquelle j’appartenais, nous occuperons successivement des positions au Virolan, au Château de Puybarbeau (Lignerolles), puis dans la région de Vijon (Le Chézeau, La Chaume), du Vigoulant (Hérat, Lavaupilière), de Châteaumeillant (Beddes, Charasse, La Madrolle, Planche au Rond) et enfin dans le nord du département de l’Indre (région de Saint Pierre de Jards). Il serait bien trop long de citer ici, dans le cadre de ces quelques propos, les multiples embuscades dressées sur les routes sillonnées par l’ennemi, les nombreux parachutages effectués sur les divers terrains homologués par Londres, les divers événements imprévus auxquels nous avons dû faire face et tous les accrochages qui eurent lieu, ici et là, à de multiples reprises, avec les troupes allemandes ou avec la milice pour lesquels je me bornerai à citer les plus importants :

  • 12 juin 1944 : Un maquis FTP installé à Jeu-les-Bois est attaqué et encerclé par les Allemands. Trois trentaines (1ères unités tactiques du GIE) se portent à leur secours pour les aider à se dégager. Bilan : 19 tués, 2 fusillés, des blessés et des prisonniers faits par l’ennemi.
  • 19 juin 1944 : Deux blessés (Jean Traversat et Jean Auroy) quittent l’hopital de La Châtre où ils étaient soignés, pour être acheminés par camionnette dans un lieu plus sûr. Avant d’arriver à Saint Denis de Jouhet, à Lusignan, le convoi se heurte à des voltigeurs allemands qui agissent avec une sauvagerie inouïe. A coups de crosse ou de gourdin, ils défigurent les deux blessés avant de les assassiner, tandis que les convoyeurs de nos camarades réussissent à se replier et à échapper au carnage.
  • 16 et 18 juillet 1944 : Le 1er bataillon du GIE est attaqué à Genest (Pérassay) par une forte colonne allemande puissamment armée. Le combat fut acharné et dura plusieurs heures le 16 juillet. Nouvelle intervention des Allemands, le 18 juillet, à Vijon. Bilan total: 18 morts et 2 disparus dans nos rangs et plusieurs blessés.
  • 3 août 1944 : Forêt d’Habert (RN 745): nous attaquons un convoi de miliciens (40 hommes, 4 camions) venant de Châteauroux et se rendant à Saint-Amand. Bilan : une trentaine de morts et 3 camions détruits chez les miliciens, aucune perte chez les maquisards.
  • 5 août 1944 : Un de nos camarades (C. Autors) , en permission à Vouillon, est arrêté, horriblement torturé et fusillé dans la forêt de Diors.
  • dans la nuit du 6 au 7 août: Le First Sergent Lewis Goddard trouve la mort lors de son parachutage sur le terrain de Beddes.
  • 10 août 1944 : Un milicien, parvenu jusqu’au bureau de l’E.M. du 1er bataillon, tente de nous faire  » sauter  » avec une grenade. Heureusement deux officiers le ceinturent à temps et le désarment. Possesseur d’une carte d’appartenance à la Milice et d’un ordre de mission de la Milice de Saint-Amand, signé de la veille, il sera fusillé le 12 août après avoir révélé tous les buts de sa mission.
  • 20 août 1944 : Nous attaquons deux convois allemands en forêt d’Haber: des pertes sévères pour l’ennemis mais nous déplorons 2 tués parmi nos camarades.
  • 21 août 1944 : la Grande Alphare (Vicq Exemplet), les éléments avancés d’un convoi allemand se heurtent à nos troupes en repos à la ferme de la Grande Alphare. A l’issue du combat qui s’en suit, nous déplorons 2 morts et 3 blessés dans nos rangs, ainsi que la mort de 2 civils et de blessés parmi la population. Pourquoi l’avant garde de la colonne qui se dirigeait vers Saint Amand prit-elle le chemin de la ferme de l’Alphare ? pour se ravitailler ? pour faire une halte ? On ne le saura jamais.
  • 26 et 27 août 1944 : Le 1er bataillon du GIE fait mouvement vers le nord du département de l’Indre (région de Saint Pierre de Jards) où il a pour mission de harceler l’ennemi et de lui barrer la route, par laquelle il se replie et cherche à regagner l’Allemagne..
  • 29 et 30 août 1944 : Un sérieux accrochage à Brion fera 2 blessés, qui décéderont quelques jours plus tard, dans nos rangs. En outre, 2 autres maquisards qui avaient réussi à rejoindre Châteauroux se heurtent à une colonne allemande et seront tués le 30 août dans la forêt du Poinçonnet ainsi que 6 gendarmes qui se trouvaient avec nos camarades.
  • 10 septembre 1944 : Jour mémorable, le Général Elster qui commande les troupes allemandes en repli, signe sa reddition à la Sous-Préfecture d’Issoudun. Mais malheureusement, par ailleurs, une explosion à la Caserne Bordessoule à Châteauroux cause la mort de 11 maquisards (en majorité du 2ème bataillon et 3 du 1er bataillon) avec de nombreux blessés. Le même jour le Capitaine Gouliard, commandant la 7ème Compagnie du 3ème bataillon du GIE, aux prises avec une colonne ennemie, trouve la mort à Mareuil (Cher) quelques jours après que son adjoint et son chauffeur, tombés dans une embuscade allemande, aient été fusillés le 26 août.

Bien d’autres actions ont également été menées par les 2ème et 3ème bataillons du GIE, notamment à Ardentes le 20 août, au cours desquelles des morts et des blessés sont venus endeuiller nos rangs, mais je ne suis pas en mesure de les relater faute de documentation suffisante sur les unités concernées (10 morts à Ardentes et des pertes importantes chez l’ennemi).

  • 17 septembre…30 septembre 1944: Le maquis est fini. Les unités rejoignent les nouveaux cantonnements qui leur sont assignés (Neuvy Saint-Sépulchre, Aigurande, Cluis) et participent à différents défilés au cours desquels la population les acclame chaleureusement..
  • Octobre à décembre 1944: La mise en congé des hommes commence. Les uns rentreront dans leurs foyers, d’autres rejoindront leur arme d’origine (aviation, marine…), d’autres signeront un engagement pour la durée de la guerre et formeront le 5ème bataillon de chasseurs à pied (5ème BCP) qui continuera la lutte sur le front d’Alsace et ensuite sur le front de l’Atlantique.
Epilogue

Ce n’est qu’avec les seuls moyens mis à leur disposition que les Combattants Volontaires de la Résistance ont libéré leurs villes et leurs villages. L’Indre est, en effet, l’un des seuls départements qui du 6 juin au 10 septembre 1944 a été engagé, sans l’aide de troupes alliées ou françaises, dans un combat continu qui a duré 100 jours. Les monuments et les stèles, érigés ici et là, témoignent des sacrifice consentis par la Résistance. La libération du département aura coûté la vie non seulement à un grand nombre de FFI, mais aussi à de nombreux civils :

  • 527 tués ou morts au combat pendant l’été 1944,
  • 120 fusillés ou exécutés,
  • 918 internés, déportés, emprisonnés pour faits de Résistance dont 87 sont morts en déportation.

Pour sa part, le 1er bataillon du GIE, sur un effectif total de plus de 1000 hommes, aura perdu 37 tués ou disparus dans les combats de la Libération.

Les Maquisards de l’Indre ont le droit de revendiquer l’honneur d’avoir apporté, sous la conduite de leurs chefs, une importante contribution à la Libération de leur Pays. C’est ce que déclarait, d’une façon plus générale, le Général Eisenhover dans son rapport officiel sur les opérations en Europe :

  •  » Notre quartier général estimait que, par moments, la valeur de l’aide apportée par les FFI à la campagne, représentait l’équivalent en hommes de 15 divisions et, grâce à leur assistance, la rapidité de notre avance à travers la France fut grandement facilitée « .
  • déclaration qu’il confirmait en 1948 dans ces termes :  » Sans leur aide considérable (des FFI), la liberté de la France et la défaite de l’ennemi en Europe occidentale auraient pris plus de temps et coûté plus de sacrifices… « 

17 août 2002, E. Dervillers

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Témoignage de Yolande Guthmann

Yolande GUTHMANN qui était élève du Collège pendant la guerre nous a adressé un témoignage émouvant sur les conditions de son séjour. Elle rend hommage à Monsieur BRESSOLETTE, Principal du Collège et aussi au Capitaine de Gendarmerie (dont nous recherchons le nom qui, par leur courage, ont permis que des vies soient sauvées.

Fin décembre 1939, ma famille (mes deux parents, M. et Mme Isidore Guthmann, mon frère aîné et moi-même, 12 ans) originaire de Strasbourg, repliée d’abord à Laval (Mayenne), décide d’aller à La Châtre – sous-préfecture de l’Indre, environ 5000 habitants, parce que, d’une part c’était un lieu de repli officiel pour Alsaciens, et aussi parce qu’il y avait des structures religieuses juives bien organisées : offices religieux réguliers dans une salle louée, sous l’autorité spirituelle du Rabbin Emile Schwartz qui avait été en charge de la Communauté israélite de Wissembourg (Bas-Rhin) avec le ministre-officiant de la petite Communauté de Hatten (Bas-Rhin) dépendant du Rabbinat de Wissembourg, M.Eric Muller, qui était aussi Chohet (abattant rituellement des volailles et du bétail), ce qui fait qu’il y a eu -et ceci pendant toute la guerre- vente de viande cachère une fois par semaine dans une boucherie de La Châtre.
Et enfin, autre élément positif, nous avions de la proche famille déjà installée à La Châtre.
Ma famille était de nationalité française, d’ascendance alsacienne de longue date.
Mon frère et moi avons poursuivi notre scolarité au Collège de La Châtre.
Arrive la défaite, durement ressentie, suivie par l’Armistice, le gouvernement Pétain et les premières mesures anti-juives (Statuts des Juifs), promulguées avant toute demande allemande. La Châtre-et tout le département de l’Indre- se trouve en zone dite libre.
De nouvelles familles juives -de toutes origines- s’installent à La Châtre, et leur nombre ne cessera de croître pour atteindre près d’un millier de personnes en 1944. Toutes ces personnes n’allaient évidemment pas régulièrement aux offices religieux qui continuaient de se dérouler dans la salle louée à cet effet, mais qui se serait révélée trop petite pour les grandes Fêtes (Roch-Hachana et Yom Kippour), et le Curé de La Châtre accepta de mettre à la disposition de la Communauté pour ces Fêtes, sa salle paroissiale, bien plus vaste, et il continua de le faire jusqu’à la fin de la guerre.

La vie continuait, mais premier accroc :
En septembre 1941, les gendarmes se présentent au domicile d’une vingtaine d’hommes juifs de nationalité étrangère, en leur disant qu’ils reviendraient les chercher dans deux heures -ce délai devait leur permettre de préparer une petite valise en vue d’un transfert dans un centre de travail. A l’exception d’un seul homme que cette démarche inquiéta et qui se cacha, tous les autres furent fidèles au rendez vous. Je suppose qu’ils ont été dirigés, dans un premier temps, sur les camps de Pithiviers ou de Beaune-la-Rolande, avant d’être transférés vers les Camps de la Mort, d’où aucun d’entre eux ne revint.
Mais qui pouvait imaginer à cette période, aussi bien chez les intéressés que chez les gendarmes, le sort atroce réservé aux juifs ?
Quant au seul “réfractaire”, au bout d’un certain temps, il reprit sa vie normale avec sa famille et aucun gendarme ne s’en préoccupa.

8 Novembre 1942 : débarquement des troupes américaines en Afrique du Nord, puis sabordage de la Flotte française à Toulon, et le 11 Novembre 1942, occupation par les troupes allemandes de la zone dite libre et devenue zone Sud.
Peu après les juifs furent “invités” à se présenter à la gendarmerie avec leur carte d’identité, pour qu’on y appose avec un tampon la lettre “J” en rouge. Mes parents n’envisagèrent pas de ne pas obtempérer, et nous effectuâmes tous les quatre cette démarche. De toute façon, nous étions connus comme Juifs.
Le temps passait et des rumeurs de plus en plus alarmantes circulaient, faisant état, dans de nombreuses villes de la zone Nord comme de la zone Sud, d’arrestations de plus en plus fréquente faites par des Allemands ou des Miliciens, et même d’exécutions de juifs aussi bien Français que de nationalité étrangère.
Aux environs de la mi-Mai 1944, mes parents apprirent que le Capitaine de la Gendarmerie faisait prévenir des membres de la Communauté juive que des Miliciens devaient arriver à La Châtre avec des cars pour ramasser tous les hommes juifs de 18 à 60 ans pour, en principe, travailler pour l’organisation Todt (fortifications -dites Mur de l’Atlantique- sur les côtes françaises, devant empêcher “l’invasion anglo-américaine”). Le bouche-à-oreille fonctionna bien, et tout le monde partit se cacher dans les fermes des environs ou chez des habitants de La Châtre. A titre préventif, mes parents avaient déposé quelques affaires personnelles dans des fermes, car ils avaient pensé, à juste titre, qu’en cas de danger, il ne pourrait être question de partir une valise à la main. Seul un chef de famille avait décidé de rester sur place en déclarant qu’il serait trop malade pour qu’on le prenne; c’est ce qui arriva, mais 4-5 jours après, le malheureux était mort, les médicaments qu’il avait ingérés ayant provoqué une infection fulgurante et mortelle.
Et finalement, les Miliciens ne trouvèrent personne.

Le Capitaine de Gendarmerie aurait pu être tenu responsable de la fuite de tels renseignements ; il avait risqué sa liberté, sinon même sa vie.

Les gens avaient été, dans l’ensemble, très gentils et nous leur devons beaucoup, mais il est certain que si la guerre s’était prolongée et si les Allemands avaient publié dans les journaux locaux un avis indiquant que les gens qui cachent des juifs seraient passibles de la peine de mort, la situation serait vite devenue intenable.

6 Juin 1944 : débarquement des troupes alliées en Normandie. Soulagement et espoir, mais deux jours plus tard, les Allemands installèrent une Komandantur à l’hôtel Saint Germain à La Châtre, avec des points de contrôle à toutes les entrées de La Châtre.
Nous même, nous habitions route de Bourges, à une centaine de mètres de l’un de ces points de contrôle par lesquels il fallait passer pour se rendre à La Châtre. Etait-ce prudent avec des cartes d’identités portant la marque “J” ?

Mes parents m’ont suggéré d’aller voir le Principal du Collège (où je venais de terminer la classe de 1ère) pour essayer d’obtenir une Carte d’Identité Scolaire qui, elle, n’aurait pas ce timbre J. Le Principal M.Bressolette était un résistant qui a caché à l’Internat du Collège de jeunes résistants “Les Français parlent aux Français” émettant de Londres), ainsi qu’au moins deux garçons juifs (un élève du Collège ainsi que son jeune frère de 7 ans). J’ai appris par la suite qu’il avait caché à l’Internat d’autres enfants juifs, notamment sur la demande du Rabbin, avec qui il avait entretenu des relations de sympathie, peut-être parce qu’ils avaient été tous deux de fervents latinistes… M.Bressolette avait dû comprendre pourquoi je lui demandais cette carte, et il me la fit de suite. Je pus ainsi circuler plus facilement et faire des courses indispensables.

Heureusement les Allemands quittèrent La Châtre fin Juillet 1944, mais la guerre n’était pas finie, et tout le monde craignait les colonnes allemandes en retraite, harcelées par les Maquisards, et qui passèrent encore une partie de l’automne sur les routes et ont fait dans plusieurs localités de la région des opérations de représailles sanglantes.
Fin Janvier 1945, à part quelques ports (Saint-Nazaire, Lorient, Royan) le territoire français était libéré. Enfin reddition allemande sur tous les fronts le 8 Mai 1945.
Peu à peu, les réfugiés ont quitté La Châtre. Nous-mêmes, nous avons regagné Strasbourg à la fin de l’été 1945.
Bien sûr, j’étais contente de rentrer, mais aussi un peu nostalgique, car je laissais sur place des amis, grâce à qui mon adolescence a été, somme toute, assez heureuse, mais aussi, dans une certaine mesure, inconsciente des dangers réels encourus. C’est avec horreur que nous avons découvert l’ampleur de la catastrophe et la réalité de ce qui s’était passé dans les camps d’extermination nazis.
Chaque famille juive y avait laissé des parents et des amis, que le destin n’avait pas aussi bien placés que nous-mêmes.

Yolande GUTHMANN, épouse KASSEL

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Les collégiens dans la Résistance

Le « Groupe des Collégiens de La Châtre » dans la Résistance
Un témoignage écrit par Yolande Gerbaud (Mme Rapoport)

Ce dimanche 31 juillet nous sommes allés sur les tombes de Pierre Bordat et de Jean Pacton honorer leur mémoire, eux qui avaient donné leur vie pour libérer la France du joug nazi : Pierre Bordat que j’étais allée chercher pour l’emmener au maquis de Dampierre. Le lendemain de son arrivée nous étions attaqués par les Allemands que guidaient les miliciens. C’est là qu’il trouva la mort avec de nombreux autres camarades en se battant courageusement. Jean Pacton, que nous appelions « Ardent », a été blessé à la bataille de Genest le 17 juillet 1944 et est décédé quelques jours après.
Avec Jean Pacton c’est celui qui avait organisé le groupe de jeunes collégiens de La Châtre qui disparaissait ; groupe qui avait décidé, dès 1941, de ne pas accepter le gouvernement de Pétain ni l’occupation allemande.

J’ai connu Jean Pacton au collège. Ses parents étaient instituteurs à Montgivray. Nous discutions beaucoup sur les évènements de l’époque : la guerre, les prisonniers, les privations, le gouvernement de Vichy, les troupes hitlériennes qui occupaient notre pays.

Jean Pacton était un grand patriote et dès le début de 1941 il ne cessait de nous dire : « il faut faire quelque chose, il faut appeler les gens à résister à cette occupation. ». C’est ainsi qu’avec d’autres camarades : Pierre Doubeck, son grand ami, François Brault, François Desemblanc, Raymond Salem et quelques autres, est né ce que l’on a appelé le Groupe des Collégiens de La Châtre.

Que peuvent faire de jeunes adolescents en 1941, alors qu’il n’y a plus de perspectives et que la population subit sans arrêt la propagande pétainiste ? Nous avons commencé à rédiger des tracts écrits à la main pour expliquer les lois scélérates de la collaboration et la nécessité de résister. Nous allions la nuit les distribuer en faisant très attention de ne rencontrer personne. Au bout de quelques temps les gendarmes alertés faisaient des rondes chaque nuit, ce qui rendait notre travail périlleux. Puis nous avons décidé de faire des inscriptions sur les murs de La Châtre ; par exemple en écrivant dix fois : « mort à Laval ». C’est en avril 1942 que François Brault et Raymond Salem ont commencé leurs inscriptions et c’est malheureusement à cette tâche que Raymond Salem a été surpris par les gendarmes qui l’ont arrêté sans oublier de l’injurier copieusement. Il a été condamné à deux mois de prison par le tribunal de Châteauroux. A l’issue de sa peine, il devait être livré, comme c’était l’usage, par les autorités…. de Vichy aux Allemands, pour être déporté. Heureusement il s’évada et fit partie d’un groupe franc des Francs Tireurs et Partisans Français (F.T.P.F.) dans les Bouches du Rhône. Arrêté une deuxième fois il fut déporté et heureusement délivré par l’armée soviétique.

Des inscriptions, nous en avons fait énormément, la matière première ne nous manquant pas, avec le goudron que nous récupérions à la porte de l’usine à gaz. Nous avons également tracé un grand V avec la croix de Lorraine sur le mur du lycée : les employés de la ville chargés de l’effacer, le firent à la pioche, si bien qu’ils le gravèrent dans le mur.

Il était très long d’écrire des tracts à la main ; de plus ils n’étaient pas très lisibles, aussi avons-nous pensé qu’il serait mieux d’avoir une machine à écrire. Nous avons essayé de découper la vitrine de chez Monsieur Bourg, mais la vitre résista. François Brault, qui était interne au collège, pensa aussitôt à la machine du Principal qui trônait sur son bureau. La solution était trouvée. Il releva l’empreinte de la serrure et fit refaire une clef. Une nuit, il se leva, prit la machine et nous la passa par-dessus le mur ; et pour que la police ne reconnaisse pas les caractères sur nos tracts, nous l’avons échangée avec celle que possédait un groupe de jeunes de Châteauroux.

En mai 1942 il y eut, place de la Mairie, une manifestation en l’honneur de Jeanne d’Arc. Les enfants des écoles, le Collège, tout le monde était là obligatoirement, en présence des autorités locales de Vichy, sous-préfet en tête. Un tract vichyste était distribué ; les membres de notre groupe et quelques autres dans les rangs les récupérèrent et les déchirèrent presque tous. La place de la Mairie était toute blanche et le sous-préfet se fâcha.

Le 8 novembre 1942, les alliés débarquaient en Afrique du Nord, ce qui servit de prétexte à Hitler pour occuper tout notre pays. . Pour protester, dans la nuit du 11 au 12 novembre, nous avons été fleurir le monument aux morts.

Pendant la Débâcle les militaires français avaient jeté leurs fusils dans l’Indre aux Ribattes. Jean Pacton et Serge Doubeck, pensant que ces armes pourraient servir, sont allés en repêcher, les ont montrées à mon père pour qu’il les remette en état ; malheureusement, force a été de constater qu’elles étaient trop abîmées pour être réutilisées.

L’activité que nous menions, si elle devait intriguer beaucoup de gendarmes et de fonctionnaires de Vichy, éveillait aussi la curiosité bien légitime d’autres résistants. Jean Pacton réussit à avoir un contact avec Gaston Langlois qui, il faut le rappeler, fut un des premiers résistants de l’Indre et le fondateur de l’armée secrète dans notre région ; d’autre part, François Brault, membre des jeunesses communistes, avait un contact avec Marcel Février, responsable des F.T. P. F. C’est ainsi que le jour du débarquement, le 6 juin 1944, une partie du groupe des Collégiens de La Châtre rejoignit l’A.S et l’autre partie les F.T.P.F .

Rappelons qu’A.S. et F.T .P.F. étaient réunis dans les Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) pour un même combat : en finir avec Pétain et chasser les Allemands de France.

Yolande Gerbaud-Rapoport

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Lt Pierre LE COMTE, Adjudant-Chef Lucien BAUDIN

Témoignage
Echange de courriers avec Madame Yolande Guthmann-Kassel et le Colonel Pierre Le Comte


Le bulletin de l’an dernier publiait le témoignage de Madame Yolande Guthmann-Kassel qui rendait hommage au Principal du Collège, Monsieur Emmanuel Bressolette et aux gendarmes de La Châtre qui avaient permis aux familles juives réfugiées à La Châtre d’échapper à une rafle.
Après de patientes recherches, il a été possible de retrouver la trace du Lieutenant qui commandait la Gendarmerie de La Châtre en mai 1944 ; il s’agissait du Lieutenant Pierre LE COMTE, aujourd’hui Colonel en retraite, qui approche les 90 ans, vivant à Rennes en Bretagne. Arrivé en juillet 1943, il avait assuré le commandement de la Gendarmerie jusqu’en mars 1948. Nous avons pu mettre Mademe Guthmann-Kassel en relation avec le Colonel Le COMTE.

Il en est résulté un échange de correspondance qui a permis de clarifier les points soulevés par Madame Guthmann-Kassel.
Le Colonel LE COMTE m’a écrit : «J’avais, en effet, pris toutes dispositions pour éviter, dans toute la mesure du possible, que les troupes d’occupation exercent des contrôles approfondis dans le milieu des réfugiés, assez nombreux dans l’arrondissement. Par ailleurs, certains contacts établis avec ces derniers (les réfugiés) se sont montrés très efficaces ce qui a permis d’éviter le pire.»
Dans un autre courrier à Madame Guthmann-Kassel, il précise : « …Ayant été détaché quelques semaines à Brive, pour remplacer un collègue défaillant, j’ai donné des directives très précises (NDLR : souligné dans le texte) à mon adjoint l’Adjudant-Chef Lucien BAUDIN pour que, en mon absence momentanée, il ne se passe rien de fâcheux dans le secteur.
C’est donc l’Adjudant-Chef qui a pris les contacts nécessaires le jour dont vous faites mention (du moins je le suppose).

Je sais qu’il avait maintenu les contacts nécessaires, conformément aux instructions que je lui avais données. Le «renseignement» a ainsi heureusement pu fonctionner dans le bon sens.» Enfin, dans un autre courrier, le Colonel Le COMTE tient à ajouter: «Quoi qu’il en soit, la Gendarmerie, dont je me porte garant, n’a fait que son devoir et accompli, en l’occurrence, son rôle de protection, dans un souci d’humanité et de sécurité de la population dont elle avait la charge.»
Dans une lettre du 30 mai 2005 qu’elle m’a adressée, Madame Guthmann-Kassel concluait que le Lieutenant Pierre LE COMTE et l’AdjudantChef Lucien BAUDIN «ont tous les deux droit à notre gratitude, sans oublier la population de La Châtre et de ses environs qui a abrité ces personnes».

Guy Fouchet

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