Banquets des années 1970

 

1970 : Qui est donc ce pauvre président ? (par Édouard Lévêque)

1972 : Le discours de Jacques Chartier

1974 : Le discours de Jacques Chauvet, maire de La Châtre

1975 : Le discours de Eugène Raboisson

1976 : Le discours de Paul Bobas

1977 : Le discours d’Édouard Lévêque

1978 : Le discours de Henri Bobas

1978 – Discours de Henri BOBAS

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1977 – Discours d’Edouard LÉVÊQUE

Mes chers amis,

Mon propos de ce soir va commencer un peu comme un conte : «Il était une fois…!
(Rassurez-vous, les jeunes ! Je ne vais pas vous narrer mes campagnes, car je n’avais quand-même, alors, que cinq ou six ans !…)

Lorsque, durant ces années terribles, dis-je, je refusais de manger ma soupe, un vieil ami de la famille, venait… Il me prenait sur ses genoux, et : «Hop ! une cuillerée pour le petit chat… Une cuillerée pour le petit serin… Une cuillerée pour Maman qui est si courageuse… Une pour Papa qui est à la guerre… Une pour…»

Je n’osais pas refuser la becquée à cette main d’ivoire qui approchait de ma bouche la cuillerée fumante de tapioca… C’était un personnage -pourtant bienveillant- qui me tenait sur lui.

Le vieil homme maigre et doux qui, à l’époque, recevait parfois SARDOU…, je le connaissais seulement sous le nom de Monsieur Georges… maison modeste, fleurie de glycines, au carrefour «Des trois Marronniers» sur la route de Neuvy. Un peu plus tard, j’ai su que celui que je considérais un peu comme un grand-père, attentif à mon éveil d’enfant, était Monsieur Georges Loutil, Juge de Paix en notre ville, un notable à l’influence essentielle, unanimement estimé pour son équité, sa sagesse, ses judicieux conseils, et surtout pour son dévouement lucide à l’égard de tous les humbles de la cité. C’est lui dont le grand portrait, brossé par le peintre Lauth- Sand, époux de feu Dame Aurore, orne la Salle du Conseil de notre Hôtel de Ville.

Monsieur Georges venait quotidiennement -ou presque- à la belle saison, en notre petit atelier du «Moulin-Vent» but de sa promenade du soir, à l’heure de mon repas d’enfant gâté (quelque peu capricieux comme beaucoup de fils uniques). Et, entre deux cuillerées de soupe, il parlait…

Parfois, il me disait : «Petit Edouard ira bientôt à l’Ecole… et puis au Collège… et puis…

Le collège ! Pensez donc ! Celà restait un grand mystère pour moi !…

L’école, passe encore !… je savais que ça existait, et qu’il faudrait bientôt que je prenne le chemin de cette austère bâtisse de l’Avenue de la Gare, d’où les petits enfants sortaient les yeux rouges. Mais, le Collège ?
C’était aussi lointain et mystérieux pour moi qu’une autre planète !

Et Monsieur Georges ajoutait : «Et puis, là-bas, tu feras des études, et puis, plus tard, tu seras professeur !…

Ah oui ? Professeur ? Croyez-vous que moi, simple enfant d’un second clerc de notaire et d’une petite couturière de quartier, j’avais, à cinq ans, une idée de ce personnage ? Je l’imaginais, malgré tout, un peu inquiétant, sévère, vêtu de noir comme le curé ou le médecin ; ou encore un peu fou, comme un certain Godefroy, organiste et maître à chanter qui résidait près du clocher de Saint-Germain.

Bien sûr, comme tout le monde, je suis allé à l’Ecole primaire… Et puis, l’année d’avant mon certificat d’études, Monsieur Georges est mort, me léguant en héritage son harmonium, sa grosse montre en or et un service de table en faïence de Sarreguemines qui lui venait de George Sand. Et puis…

Et puis, je suis rentré (après une sélection qu’on n’imagine pas de nos jours) comme boursier au Collège, et j’en suis sorti, sept ans plus tard, bachelier Es-Philosophie, comme on disait alors !

L’année d’après, j’étais déjà fonctionnaire, maître d’internat. Sans trop m’en rendre compte, je suivais déjà une ligne tracée déterminée.

Tour à tour, j’ai été surveillant, répétiteur chargé de l’enseignement du français, puis du dessin, puis de la Surveillance Générale.

Mais jamais je n’ai réussi à accomplir tout à fait la prophétie de mon vieil ami Monsieur Georges : un peu par paresse ou par manque d’ambition, je suis resté adjoint : professeur à demi seulement !

Mais en 45 années d’exercice dans la même place, après 7 années d’études secondaires dans le vieux Collège, j’ai eu le temps -n’en doutez pas- de voir… d’apprendre bien des choses concernant sa vie, son évolution, ses animateurs, et d’en retenir (malgré une mémoire incertaine !) un grand nombre. Ces 52 années passées à l’Hôtel de Villaines, puis au Lycée George Sand, doivent faire de moi, (toute modestie mise à part !) le «super-doyen» de notre Amicale ! Un demi siècle dans les murs de grès rose de cet établissement que le regretté professeur Albert LASCAUX appelait tendrement : la Maison (avec un grand M) m’a permis de connaître une bonne douzaine de principaux, proviseurs ou directeurs intérimaires, plus de 500 professeurs et maîtres, et, sûrement près d’une dizaine de milliers d’élèves !

C’est dire, mes chers Camarades que si nous pouvions par miracle, inviter et accueillir à notre banquet tous les survivants de cette armée pacifique, il nous faudrait prévoir une salle à manger vraiment beaucoup plus grande que celle de notre ami Daniel !

Inscrit dès 1930 sur les listes des anciens élèves, je fus, cette année là, le «bizuth», Lauréat de l’Association, chargé de prononcer le traditionnel «laïus» de bienvenue.

Je le fi s -autant qu’il m’en souvienne- en alexandrins très classiques, le trac au creux du ventre, malgré les ovations outrancières des grands «Anciens» de l’époque, aujourd’hui tous disparus, et en 1933 ou 34 ; Monsieur Bonnin, le secrétaire de notre Amicale, ayant été déclaré défaillant, (on disait déjà : place aux Jeunes !) on me confiait, à 22 ans, sa succession.

C’est alors, qu’en compulsant les rares documents d’archives que m’avait transmis mon prédécesseur, je découvris que notre Amicale -toujours bien vivante aujourd’hui- avait été fondée en 1908, et que c’est son premier Président-Fondateur, Monsieur Georges Loutil, qui, cette année-là, avait présidé le premier banquet de l’Association.

Peut-être saisissez-vous mieux maintenant, chers Camarades, la signification de mon préambule un peu long, qui me rapproche, 69 ans plus tard, de Monsieur Georges ?

Me voici, à 66 ans, à la même place que ce vieux monsieur paternel qui prophétisait, en 1916, une partie de mon destin… Mais pouvait-il imaginer alors que je serai plus tard, pour un soir, son propre successeur, et que j’évoquerai son nom ? C’est pour moi une situation émouvante, et je vous remercie d’avoir accepté de me confier, «à l’ancienneté», cette charge qui m’est un honneur, et me donne une occasion insigne de rendre hommage à la mémoire de notre premier Président. Pardonnez-moi…

Peut-être mon propos n’est-il pas conforme à celui que vous attendiez de moi, ce soir ? Peut-être aviez-vous imaginé qu’il serait plus… enjoué… plus coloré, plus rustique (voire aimablement patoisé par le raconteur d’histoires berrichonnes que je suis devenu).

Très simplement, je vous confie que je n’y ai pas pensé !
Même si j’ai eu tort de ne pas choisir cette option, qui sans doute, eût réussi à vous esbaudir, je persiste à croire que j’ai bien fait. D’ailleurs, notre cher Président a si élogieusement présenté mon «alter ego» dans l’éditorial de notre dernier bulletin, qu’il est vraiment inutile de revenir sur ce point ; je crois qu’il est mieux en fi n de compte, que ce ne soit pas le comédien de la terre, Jean-Louis Boncoeur qui vous parle ce soir, mais plus tôt Edouard Levêque, qui longtemps, resta lui-même : petit élève du Collège et fonctionnaire zélé (et timide) dans la Maison.

En raison même de ce nombre -record d’annuités de présence, que j’ai pu y accumuler entre 1923 et 1975, il me sera également impossible d’évoquer (comme le font chaque année la plupart de nos amis appelés à la présidence du Banquet) une tranche de souvenirs, tantôt humoristiques, tantôt attendris, limitée à la durée normale d’une scolarité de 6 ou 7 ans, illustrée d’anecdotes savoureuses ayant pour protagonistes quelques professeurs ou «potaches» célèbres par leurs avatars ou leurs facéties !…

Non… Je ne vous conterai pas par le menu, mes souvenirs scolaires ou post-scolaires ayant eu pour cadre le Vieux Collège, sis en l’Hôtel de Villaines, puis le nouveau Lycée George Sand et son Annexe.
Trois volumes de 500 pages ne suffiraient pas à en épuiser la matière.

C’est pourquoi, limité par l’espace et le temps, je me contenterai de vous citer, presque au hasard, sans souci d’une chronologie rigoureuse, quelques noms (ou surnoms) qui, je l’espère, suffiront à réveiller en vous certaines images de cet «hier» que fut votre jeunesse au Collège ou Lycée de La Châtre.

Pensez, vous, les Anciens très âgés qui m’écoutez ce soir, que j’ai pu connaître, comme vous, ceux qu’on appelait : des «pères» !

Le père Imbert et le père Descouchant, le père Dubost- Southon, le père Charles Denis et le p’tit Robert.

Que j’ai été comme certains d’entre vous, attentif aux expériences scientifiques (prudentes) du méridional Santin, et aux pièges orthographiques primaires du Président berrichon Vincent Rotinat.

Pensez, vous, les contemporains des promotions 20 à 30, que j’ai eu tour à tour pour «patron», le dubitatif Vezinhet, chef d’une grouillante tribu… Puis le très discret Louis Cabannes… Puis le martiniquais Gédéon qui avait fait ses universités à New-York.

Que j’ai été initié à l’art dramatique par le répétiteur-comédien Massias… Que j’ai chanté le «Tannenbaum» et psalmodié «Les Grenadières», avec, lorsqu’il n’était pas «stumm», le Dem Lehrer, poète et alchimiste des perles bleues, dont Jean Giraudoux fut sans doute l’émule…

Fait de la géométrie dans l’espace avec Henri Arnault (dit : «Gros Malin» ou encore «Point Fin») qui me fit découvrir la T.S.F. avec un détecteur à…pomme de terre !

J’ai pianoté sur le clavier de l’unique vieille «Rémington» sous la férule du distingué professeur de dactylographie «Nunus Blason», fredonné le grand air de Carmen avec le ténor Jean Solon, entre deux explications de texte consacrées à Bossuet ou à Lacordaire, ses auteurs de prédilection… Décliné «Rosa Rosa Rosam avec le latiniste Le Clache, un auvergnat barbu qu’inévitablement, on avait baptisé «Fouchtra »… Déclamé «La légende des siècles» parmi les feux de joie allumés dans la classe de 6ème avec l’innénarrable poète Lescoutras… Appris par coeur des tranches du manuel de Félicien Challaye (déjà pacifiste et écologue) en compagnie du diaphane Thouvay, philosophe… d’occasion. Et manipulé mes premières formules de chimie organique avec le petit-fils du grand Fabre, l’entomologiste…

Oui, j’ai connu des cercles parfaits, tracés d’un seul jet au tableau noir, par le matheux Denizeau… Traduit «Enoch Arden» avec «Bamboula», ce principal angliciste dont je vous parlais tout à l’heure. Dessiné, à longueur d’année, des stylisations de feuilles de gui avec le chauve père Dupont, au milieu d’un chahut sympathique… indescriptible !

Plus tard, j’ai eu droit aux fulminantes colère de l’historien Hennequin, ex-chanteur de l’Opéra de Bruxelles, au larynx défaillant… et aux judicieux conseils de Mademoiselle Claire Jonqueres, qui m’a initié, avec bonheur, au dessin d’art… J’ai connu des pions sévères : Tatave Beugnet et Chamard & Davie et Léandre Compain, dont je fus le successeur plein de mansuétude…

Le dessinateur-chansonnier Ugène Yvernes et le merveilleux compositeur Marcel Bernay.

Et puis…

Et puis tant et tant d’autres, près desquels, comme vous peut être, j’ai étudié, en bon élève docile, et que j’ai oubliés…

ou omis de citer ici (fût-ce avec une ironie nuancée de tendresse). Par scrupule, j’ai voulu compulser, hier, les archives du Collège pour compléter ma documentation et réparer quelques oublis…

J’ai ouvert et feuilleté le vénérable registre noir (ouvert à la rentrée de l’an 1908), sur lequel figurent tous les noms des fonctionnaires de l’Etablissement jusqu’à ces dernières années.

Je l’ai fermé bien vite, comme saisi d’angoisse et pris de vertige devant ces innombrables colonnes, portant en «encadré » des centaines de suscriptions qui ressemblent à autant d’épitaphes.

Ces maîtres, dont beaucoup furent mes amis, qu’ils me pardonnent là où ils sont, si je n’évoque pas, ce soir, leur mémoire… Mais où sont mes maîtres d’antan ?

Après, j’ai franchi la barrière et, pour un temps, je me suis retrouvé le jeune collègue de mes propres professeurs, puis celui de mes camarades ayant, eux aussi, suivi la filière de l’enseignement.

Et enfin, je suis devenu le vieux collègue de mes propres élèves, faisant, tour à tour, la classe aux parents, aux enfants, et aux petits-enfants d’une même famille.

Au fil des ans, j’ai retrouvé mes amis Paul Beudard, philosophe féru d’armes tonnantes, manufacturées à Saint-Etienne, de motocyclettes de grosse cylindrée, et du sport martial de la fronde… la blonde Marguerite Villevet, ballerine sportive qui animait nos fêtes estudiantines, et plus tard, Roger Fouchet, amoureux des roses, qui la prit pour épouse…

J’ai retrouvé Charles Appère, Jean Poupat, et Marcelle Marin (née Bartmann), et Jean Aussure, Marie-Jo Ducoudray et Robert Mayet.

J’ai cotoyé le mathématicien Lamidey (dit «Midas»), le simiesque germanophile Delpech et le très méridional Aimé Aubert, transfuge du Lycée Français de Salonique, qui est resté, dans sa «campagne» du Vaucluse, mon fidèle ami. J’ai fraternisé avec les linguistes Jean Collé et Birklé, solidement intégrés à l’esprit de l’Etablissement.
44 ans ! 44 ans d’enseignement. Croyez-moi, durant ces 44 ans, j’ai pu en connaître, des visages et des «cas» !
Vous souvient-il, mes amis, du dessinateur Guy Combrisson, Don Juan de la route de Sarzay ? de Rapicault, l’ivrogne germanisant qui boitait des deux pieds ?… Du Principal Camman, chimiste et pyroboliste, inventeur de l’explosif «cammanite» (explosif lui-même dans ses querelles conjugales) ?

De Caddau, le poète paranoïaque, qui rimait des élégies de captifs… de la rigoureuse Mademoiselle Descouchant, de la rougissante Marie Thérèse Perriot ? Du principal Soulan, mousquetaire gascon, portant la cape et l’épée, qui déjà en 39, traçait les plans d’un futur grand Collège, tout en réduisant l’internat à 9 pensionnaires !

Du géographe bancal Guy et du philosophe Feraud, tous les deux résistants de la dernière heure !… Et, peut-être, vous souvient-il aussi de ces pauvres professeurs juifs, sécurisés, au temps de l’occupation, par l’épaisseur de nos murs ?… Du très populaire Petit Paul Hillairet, le psychologue trotzkyste au grand coeur, et du flegmatique helléniste Joseph Lagerde, son compère… ?

Du maëstro chevelu Glatz, spécialiste de la musique de cirque. Du brave père Giraudet, amoureux des belles lettres et des filles en fleur ?… Du distingué germaniste et bibliophile Georges Roissard ?

De la Pauvre «tête de turc» Janne Durand, du sévère Raymond Delagoutte ? Des maitres de chant Andrée Albrand, Jean Gaultier et Rosette Cendron ? Du mathématicien guadeloupéen Melchy, ex-commandant d’artillerie et qui croyait aux sortilèges… Et du diabolique Flisseau, amoureux des améthystes d’archevêque en dépit de son laïcisme militant… Des époux Pourret ?… Des époux COQ… des époux Léger… des époux Citterio… des époux Vidal… des époux Lavaud… des époux Luneau… des époux Barrot. Pardonnez-moi ! Je m’étourdis !

Et je sens que je vous étourdis aussi, par cette avalanche de souvenirs et de citations de noms.

Et pourtant, arrivé au terme de mon voyage dans le passé, je voudrais encore évoquer quelques visages. Celui notamment de Monsieur le Principal Emmanuel Bressolette, dont je fus un peu le bras droit, et auprès de qui, en qualité de Surveillant Général, j’ai passé 22 années sans nuages…

Celui aussi du bon géant pantagruélique Jean Gallois, Proviseur populaire qui fut mon ami, et mon complice, deux années durant, dans maintes escapades gastronomiques !… Nous voici aux veilles de l’an 78, qui marquera le 70ème anniversaire de la fondation de notre Amicale, par quelques hommes de La Châtre, soucieux de perpétuer, par delà les bancs du Collège, une vraie fraternité.

Jusqu’à ce jour, la relève pour la «maintenance» de cette solidarité a été assurée. Et, je me réjouis d’en avoir été un des plus fidèles artisans aux côtés de nos anciens Présidents, François Robert, Vincent Rotinat, et Georges Raveau… Aujourd’hui, aux côtés de notre ami Pierre Bigrat.

Et, par cette belle nuit de juillet, qui rassemble dans une ambiance chaleureuse, tant d’ «anciens» et d’«anciennes», appartenant à toutes les promotions, je voudrais faire un voeu : celui de voir (car peut-être peut-on voir de la-haut ?) les petits-fils, fidèles à cette Maison qui fut la nôtre, réunis à leur tour avec des camarades d’autrefois, pour des agapes fraternelles, en l’an 2000.

Edouard Lévèque – 1977

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1976 – Discours de Paul BOBAS

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1975 – Discours de Eugène RABOISSON

Monsieur le Président,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Mes chers Camarades,

Notre amicale avait, vous le savez, deux Présidents d’Honneur : Messieurs Vincent ROTINAT et Georges RAVEAU. Nous n’en avons plus qu’un, puisque M.ROTINAT est décédé récemment. Pour rendre un dernier hommage à sa mémoire, je vous demande de bien vouloir observer quelques instants de silence… Je vous remercie. Par suite de cette disparition Georges RAVEAU qui est pour moi un ami très ancien et très cher. reste donc notre unique Président d’Honneur. J’ai eu l’occasion de le voir tout dernièrement. Je puis vous dire qu’il va beaucoup mieux et qu’il regrette de ne pas être des nôtres ce soir. Il nous manque car c’est un animateur hors pair, qui réussissait à faire a chanter tous les convives au refrain, qu’il soit assuré que nous gardons de lui un souvenir fidèle et affectueux. J’adresse un cordial salut à l’un de nos anciens, M.RAY. Son état de santé, qui n’a rien d’alarmant, le tient ce soir éloigné de nous. Nous n’aurons donc pas le plaisir de l’entendre nous conter les aventures des « gourgandines » chères au coeur de Gaston Couté.

Mes chers camarades, dans le courant du mois de février je recevais une lettre de notre Président actif, Pierre BIGRAT dont je vous communique l’essentiel : « le bureau de l’Amicale à l’unanimité vous a désigné comme candidat à la Présidence du Banquet de juillet 1975. Je sais d’avance que nous pouvons compter sur vous et j’attendrai votre réponse avec beaucoup d’optimisme… »

J’ai répondu à cette lettre dans les termes suivants : Un oukase ne se discute pas, je m’incline donc devant la décision du bureau de l’amicale statuant à l’unanimité et j’accepte d’assumer la Présidence du banquet cette année.
Telles sont les circonstances qui m’ont amené à prendre ce soir la parole devant vous. Et ma perplexité est grande. En effet, j’appartiens à la génération qui a précédé celle de notre maire ; M.Jacques CHAUVET, et je crains en évoquant des souvenirs poussiéreux, et pas toujours gais, de provoquer des baillements d’ennui parmi l’assistance. Qu’on veuille donc bien me pardonner de n’être pas aussi brillant dans ce genre littéraire que mes prédécesseurs qui, eux, avaient le privilège de la jeunesse et du talent.

Je suis né au début du siècle. C’était la « belle époque » que l’on considère comme le symbole de la vie agréable et légère. En réalité l’existence était assez rude pour beaucoup de gens, mais les relations sociales n’avaient pas ce caractère âpre et crispé qui rend la vie actuelle, malgré les progrès matériels, si accablante. Ce n’est plus la belle époque, c’est l’âge d’airain. Rodin a matérialisé cela dans une fort belle sculpture : l’Homme à l’âge d’airain.


Au début du sliècle le cadre de la vie et la façon de vivre ont conservé en province un caractère de simplicité familiale. L’on se connaît et généralement l’on s’estime. La hiérarchie sociale est plus marquée, mais l’on se fréquente entre voisins, et l’on s’aide. Ainsi naissent des liens d’amitié vraie, qui n’existent plus guère aujourd’hui. Songez à cela : pas de radio, ni de télévision, peu d’automobiles, très peu d’avions, peu d’abonnés au téléphone, et peux de bicyclettes. En ville, on s’éclaire au gaz, dans les campagnes, à la lampe à pétrole. Les femmes portaient la voilette, les robes très longues et le corset qui leur faisait la taille fine ? Les jours de foire à La Châtre, les gens de la campagne arrivaient en cariole, les femmes coiffées d’un bonnet blanc, les hommes en blouse bleue (la biaude) avec le pantalon à pied d’éléphant, qui est de nouveau à la mode. Or dans la décennie qui suivra l’année 1918, tout cela va disparaître, et l’on ne ressortira plus le bonnet et la biaude qu’à l’occasion des manifestations folkloriques, pour la figuration et peu-être par nostalgie du passé.

J’ai commencé mes études secondaires en 1913 à L’institution libre de Lourdoueix St-Michel. Armand Fallières, Président de la République venait d’achever son septennat, Raymond Poincaré lui avait succédé, et l’année suivante éclatait cette terrible guerre, de 1914/1918 qui devait tout bouleverser. Je revins à La Châtre en 1915, rappelé par ma mère qui se trouvait seule car mon père qui était artisan ferblantier, et mon oncle, l’abbé Doré, professeur à Lourdoueix, venaient d’être mobilisés. J’entrai cette année là en classe de 5ème au Collège de La Châtre, où je retrouvai comme condisciples la plupart de mes camarades de jeux et notamment notre Président d’Honneur Georges RAVEAU car mous étions déjà camarades. En effet, bien avant la guerre de 1914, je fréquentais, étant d’un naturel aventureux, la place de l’Abbaye et la maison Philippe Raveau – Epicerie en Gros – (on, ne parlait pas encore de magasin d’alimentation générale) m’était familière. Que de parties de cache-cache avec les galopins du quartier à travers les rayonnages ! que de boites renversées malgré les cris d’un grand Diable de garçon épicier en blouse blanche ! Il nous poursuivait à travers un dédale d’étroites allées, accablé de nos quolibets et au moment où il croyait tenir le coupable, bousculé par un autre sa proie lui échappait. Ses pains de sucre coniques et sa chandelle gisaient épars sur le sol. Et il nous maudissait. 0 soleils disparus !

Le collège de La Châtre se ressentait de l’état de guerre. Il ne restait plus dans l’enseignement que des hommes épargnés par la mobilisation en raison de leur âge ou de leur mauvaise santé, et des femmes qui faisaient leur début de carrière dans le professorat. En tant que « littéraire » je devins l’élève de M.Poulin. C’était un homme jeune et blond, extrêmement gentil mais d’une santé très fragile, qui était chargé des cours de latin et de français. Lorsque sa classe devenait houleuse, cela arrivait souvent car nous étions nombreux, et l’abscence paternelle au foyer ne contribuait pas à nous rendre studieux et dociles, il ne se fâchait pas mais donnait de violents coups de pieds dans sa chaire et devenait très pâle, comme sur le point de tomber en syncope. Nous le regardions avec compassion, car nous n’étions pas mauvais bougres, et il obtenait de cette façon le silence jusqu’à la fin de son cours.


NLa classe de M.Poulain se trouvait au rez-de-chaussée, dans le hall à droite, et faisant le vis-à-vis à une autre classe réservée à l’enseignement primaire dont M.Imbert assurait la responsabilité. Je n’avais pas, en principe, affaire à lui, mais la santé chancelante de M. Poulain ne lui permettait pas, surtout l’hiver, d’assurer un service régulier, et M.Imbert avait été chargé de le suppléer pour les cours de français. C’était un vieux radical à courte barbiche blanche, à l’air bourru, qui n’était pas resté indifférent à la politique. Il était à cette époque maire de la commune du Magny et se rendait à sa mairie à cheval, botté et éperonné, monté sur une fine jument à robe jaune. Dans la mauvaise saison il était revétu d’un long manteau de drap bleu marine avec pélerine, et coiffé d’une casquette qui tenait du képi, de sorte qu’il avait l’allure d’un officier de cavalerie en retraite.

Beaucoup d’entre vous, mes chers camarade ont été ses élèves et ont diversement apprécié ses méthodes d’enseignement. Pour moi,son originalité me le rendait sympathique, et je n’ai jamais eu à me plaindre de lui. C’était à mon avis un maître estimable. Par contre, il était redouté de certains élèves, qu’il accablait de sarcasmes en ricanant. Ses copies étaient corrigées avec soin. Malheur à ceux qui négligeaient l’ortho graphe ! Ils devenaient la risée de la classe. Si l’on traversait la cour une autre personnalité pleine de pittoresque exerçait ses talents avec les tout jeunes, dans un pavillon annexe sur la gauche, qui existe encore. C’était M.Descouchant, qui était pied­bot comme Talleyrand, là s’arrête la ressemblance. L’hiver il faisait dans sa classe une chaleur excessive, il quittait alors sa veste et on le voyait en manches de chemises discuter gravement avec des bambins. Il assurait un bon nombre de corvées dont se débarrassaient volontiers ses collègues du secondaire, car on le savait bonhomme et accommodant.


Il me faut maintenant parler d’un homme prestigieux : M.Lescaux qui enseignent l’allemand. Un grand nombre d’entre vous l’ont connu et ont gardé de lui un souvenir inoubliable. A cette époque c’était un grand bel homme, très droit, avec une moustache tombante à la Clémenceau. Il était souvent coiffé d’un petit chapeau vert-mousse et avait pour épouse une petite femme gracile qu’il appelait en souriant « mon petit lapin blanc ». Très cultivé, remarquable professeur, ayant de nombreuses relations universitaires tant en France qu’à l’étranger, son autorité était incontestée. Il fût principal du collège pendant un certain temps.

D’une santé précaire, l’hiver, dans sa classe, il se couvrait le chef d’une casquette qu’il enlevait courtoisement quand Madame là concierge venait lui présenter pour visa, le cahier des abscences. Il était extrèmement intéressant. Je me souviens de ses commentaires sur quelques poètes et écrivains allemands : Lenau, Heine, Gogthe, Schiller. Certaines scènes de Hermann et Dorothée le rendaient enthousiaste. C’est naïf mais plein de fraîcheur, disait-il. Et ce bon pasteur sentencieux nous est tout de suite sympathique. Il faisait cette remarque : oui, les allemands sont ainsi. Cette guerre est atroce, mais je ne veux pas vous enseigner la haine.

Cependant, je ne voudrais pas que vous vous mépreniez sur le sens de mes paroles, il faut les voir comme ils sont. Ils aiment et respectent la force et ils sont laborieux. Ce sont aussi des sentimentaux à la fois brutaux et sensibles qui n’ont pas le sens de la mesure. Aussi redeviennent-ils, les Barbares qu’a dépeint Tacite. Les années ont passé et M Lascaux avec elles, mais grâce à lui mon admiration pour l’auteur de Werther, le roman de Goëthe avec la 9ème symphonie et la Messe en Ré (Missa Solomnis) de Beethoven ont apporté en France un souffle nouveau : le Romantisme. Le déchaînement des puissances de sentiment nous vient d’Allemagne. La démesure aussi avec Wagner, la dimension qu’il a donnée à l’orchestre et l’envoûtement de se musique. Le Crépuscule des Dieux, Siegfried forgeant l’épée magique et tuant Fafner et le gnôme de Nime, toute la mythologique germanique célébrée dans la Tétralogie annoncent la venu d’un cataclysme : Hitler-Siegfried et le nazisme. Il est vrai que Wagner est aussi l’auteur de Persifal : la Rédemption par l’Amour – l’Enchantement du Vendredi-Saint !

Vous voyez, m’aurait dit M.Lascaux, comme il est nécessaire de bien les connaître. Et pour cela il faut bien apprendre leur langue.


Cependant l’on s’installait dans la guerre, qui devenait une guerre d’extermination. La victoire de la Marne avait arrêté l’avance allemande, mais nos pertes, comme celles des Allemands, avaient été lourdes et nous restions envahis. Des ainés que nous avions vu partir beaucoup ne reviendraient plus. Des jeunes femmes prenaient le deuil, et leur nombre croissaient sans cesse. Fils, frère, mari, fiancée parent, ami allaient rejoindre la pâle cohorte des ombres. Notre vie n’est elle donc qu’un dessin sur le vent ? Bientôt apparut le rationnement, car les vivres étaient réservées en priorité aux armées. On fit appel au patriotisme de tous, et les élèves furent invités à faire pousser des pommes de terre sous la direction éclairée de M.Robert, professeur d’histoire et de géographie. C’était un bien brave homme qui connaissait un peu la culture, mais autant que je puisse me rappeler, cette expérience agricole ne fût pas une réussite, malgré notre bonne volonté. Sur ces entrefaites, nous eumes une nouveau principal, car M Lascaux, apuisé par le travail était à bout de souffle. M Dubost-Southon, son successeur, était de taille moyenne, replet, portant beau et de mise soignée. Il enseignait d’une voix calme les mathématiques. Soucieux d’être « fashionable » dès les premiers beaux jours il sortait de l’armoire un complet élégant : pantalon blanc, chaussures jaunes ou blanches, veste noire d’alpaga, et canotier. Le baromètre laissai-t-il prévoir un changement de temps, le pantalon blanc et la veste d’alpaga reintégraient la penderie. Lui succédaient un pantalon sombre, un veston à rayures, des chaussures noires et un chapeau mou. De sorte que ce digne homme servait à son tour de baromètre à ses élèves, ses pantalons hygrométriques indiquant tantôt le beau temps et tantôt la pluie. Bien entendu, cela faisait la joie de la classe et rendait moins arides l’algèbre et la géométrie.

Le 11 novembre 1918, un clairon annonça dans la brume la fin de l’hécatombe. L’Allemagne signait l’Armistice. J’ai vécu ces moments inoubliables. Les gens s’embrassaient dans les rues, certains pleuraient, d’autres transportés de joie couraient en poussant des cris, les cloches sonnaient à toutes volées. Et puis, soudain, une sorte, de grand vide, ceux qu’on ne reverrait jamais plus Dans le lointain, une autre sonnerie de clairon : Aux Morts.

La paix se fit, le Collège fut pourvu de nouveaux professeurs, et d’un nouveau principal, M. Joseph Durand. C’était un méridional, grand élançé, portant une moustache noire, un binocle et un chapeau melon. Il avait pour femme une italienne encor ‘jolie et très volubile, qui était souvent dans les alarmes à cause de son mari. Ce dernier, aimable et galant homme, sortait fréquemment le soir pour, disait-il, le plaisir de la marche et fumer quelques cigarettes. 0r ces sorties avaient fini par exaspérer son épouse. Yousèfe, per qué cela ? Moun Dio per qué, s’écriait-elle en Levant les bras au ciel. Autant en emportait le vent. Italianisant, M.Joseph Durand avait une grande admiration pour Dante, et se plaisait à nous expliquer certains passages de la Divine Comédie. Notamment, l’Enfer avec ses neuf cercles.

Il prenait un morceau de craie et traçait au tableau noir la coupe générale de l’Ènfer avec la classification des péchés. Le centre du 9ème cercle c’est à-dire de l’Enfer, est occupé par Lucifer, Monstre aux trois visages, l’un rouge, l’autre noir, le troisième d’un blanc tirant sur le Jaune. Il possède trois paires d’ailes semblables à celles des chauves-souris, qu’il agite d’un mouvement éternel, et triture dans ses trois gueules trois damnés : Judas; l’apôtre qui trahit Jésus, Brutus et Cassius. Ce 9ème cercle est réservé à tous les traîtres dont le supplice n’est pas de brûler dans les flammes mais d’être plongés dans la glace. J’avoue que cette représentation de l’Enfer m’avait passionné et terrifié. Plus tard, je découvris la grande beauté de la Vite Nuova et de la Divina Commédia

Enfin, M. Joseph Durand était poête et tournait joliment le vers. Il a écrit une poésie agréable sur La Châtre que les anciens n’ont certainement pas oubliée : « O ville aimée, 0 ville de La Châtre » Elle fût mise en musique par M.Denis, professeur de musique, et chef de l’harmonie à l’époque.


En classe de seconde, je fis connaissance avec deux nouveaux professeurs, M.Moreau, professeur de lettres, et M.Villard, professeur d’anglais. Je devrai ajouter un troisième professeur, Mademoiselle Chiquard, professeur de sciences. M.Moreau était un homme corpulent, au teint coloré, qui revenait des tranchées et racontait volontiers quelques anecdotes de guerre mais avec sobriété. C’était un excellent professeur, un de ceux pour qui j’ai gardé de l’affection. Esprit fin et solide, légèrement ironique sous une apparente placidité, il me morigénait sans élever la voix : Sôyez moins fantaisiste, et aussi moins espiègle. Avec lui, le latin cessait d’être une langue morte, Virgile devenait d’actualité… Je le revois avec sa lavalière noire, sa moustache jaunie par la cigarette, nous traduisant dans l’Enéide, l’épisode de Isus et Euryale, les deux amis célèbres. « Ibant obscuri per umbram » C’était pour lui l’occasion d’évoquer la vie du soldat dans les tranchées, les volontaires pour les missions périlleuses à accomplir la nuit et qui souvent ne revenaient pas. « Euryale roule dans la mort ; le sang coule la long de ses beaux membres ; sa nuque défaillante s’affaisse sur ses épaules. Ainsi quand une fleur vermeille, tranchée par la charrue, languit et meurt, quand les pavots baissent la tête, sous le poids de la pluie qui vient à tomber… »

M Moreau restait silencieux, comme perdu dans ses souvenirs. Puis, reprenant la parole, il élevait le débat. La vie est brève, c’est le triomphe de la mort. Quelle est donc notre destinée ? Ou allons nous ? Que devenons nous après la mort ? Il était visible que ces questions le troublaient. Mais ne troublent-elles pas même les rationnalistes et les athés ? Maurice Barrès dans un commentaire sur le Talisman de Pascal fait cette remarque : « La foi, disait Pascal, est un don de Dieu non un don du raisonnement » « Dieu ne se trouve pas par la méditation des preuves métaphysiques, non plus que par l’examen de l’Univers… » La vie éternelle, c’est la possession de la Vérité, c’est la connaissance de la cause dernière, et celui qui sert d’intermédiaire entre cette cause et les hommes, c’est-celui qui peut toucher le coeur : .C’est Jésus-Christ. Pascal, mathématicien et homme de science, a découvert que le coeur est supérieur à la raison. La nuit, fameuse du 23 novembre 1654 mît fin aux angoisses de Pascal ! Cette nuit là il eut une vision. Il a noté sur un papier : « Depuis environ dix heures et demi du soir jusqu’à environ minuit et demi, Feu » « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants … Certitude… vue… joie… » Le pyrrhonisme de M. Moreau ne lui permettait sans doute pas de se ranger à cette opinion. Il cherchait la vérité. Puisse t’il l’avoir trouvée.


Quant à M. Villard il enseignait l’Anglais, et à l’occasion le latin et le français. C’était un homme élégant, de taille moyenne, portant la barbe, très courtois et plein d’humour. Le collège de La Châtre comptait à cette époque au moins deux professeurs, faisant partie de la cohorte des porte-lyre, M.M. Durand et Villard. Car ce dernier cultivait lui aussi les Muses, et comme il était fort spirituel ses vers un peu moqueurs reflétaient l’ironie que lui inspiraient certaines scènes de la vie quotidienne. C’était une satire sans méchanceté. Je lui demeure reconnaissant de ses commentaires sagaces sur la littérature anglaise.

Enfin, Mademoiselle Chiquard, qui enseignait la physique et la chimie ferme le cercle des professeurs qui ont marqué ma vie d’élève au collège de La Châtre. A vrai, dire, le programme des études ne m’obligeait pas à suivre ses cours, car j’étais en section B. Un « littéraire » disait d’un ton dédaigneux mes camarades de la section C: les scientifiques, des gens sérieux, ces scientifiques. Tandis que moi, j’étais un loustic.

En réalité j’assistais à certains cours de chimie par curiosité pour voir des expériences qui m’intéressaient, et me gausser de ces fameux scientifiques lorsqu’elles rataient. L’on m’accusait alors d’être la cause de l’échec, d’avoir le mauvais oeil, d’être un porte malheur dont il fallait se débarasser en l’expulsant. Je n’attendais pas d’ailleurs la contrainte par corps pour fuir sous les clameurs le temple souvent malodorant de la chimie.

Dieu merci, Mademoiselle Chîquard est toujours de ce monde. Je la rencontre tous les ans chez de fidèles amis, et lorsque je lui présente mes voeux, elle ne manque pas de me rappeler d’un ton sévère qui dissimule mal une envie de rire, qu’à ses yeux je suis toujours « le loustic », c’est à dire le perturbateur dont il faut se méfier.

Me voiçi arrivé à la péroraison de ce trop long discours, et je suis gagné par l’émotion. A tous les maîtres, prêtres et laïcs, dont j’ai reçu l’enseignement, j’exprime mon respect et ma reconnaissance. Je les remercie de leur dévouement et des principes qu’ils m’ont inculqués, de leur indulgence aussi. L’enseignement me disait il y a quelque temps un éminent professeur, est une vocation, une sorte de sacerdoce. Ceux dont je viens d’évoquer la mémoire avaient ce feu sacré, cette vocation. Ils se sont acquittés noblement de leur belle mission d’éducation. J’ai tenu à leur rendre ce témoignage et cet hommage.

Mes chers camarades, j’en ai terminé. Je vous remercie de votre patience et de l’honneur que vous m’avez fait en me demandant de présider ce banquet.

Eugène Raboisson – 1975

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1974 – Discours de Jacques CHAUVET

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1972 – Discours de Jacques CHARTIER

Messieurs les Présidents,
Chers Condisciples,

Vous avez bien voulu me demander d’être parmi vous ce soir, et de présider votre banquet : c’est pour moi un honneur auquel je suis particulièrement sensible, et je tiens à en remercier la charmante épouse de Monsieur Le Maire de La Châtre, qui fût une concurrente redoutable au temps des joutes scolaires, et qui – je ne crois pas dévoiler un secret – vous a proposé de me désigner comme votre Président d’un soir.
Je crois être le fidèle interprète de tous ceux qui se trouvent içi en félicitant très chaudement Monsieur le Président Pierre BIGRAT, qui en veillant à l’élaboration du menu, nous a réservé, dans un cadre agréable, les plaisirs délicats d’un diner somptueux.

Le Lycée de La Châtre, c’est d’abord le souvenir du temps de la guerre, d’une époque difficile où nous avons vu défiler nos malheureux compatriotes sur les chemins de l’exode ; d’une époque aussi, où l’on vivait plus intensément, car on vivait dans la crainte et dans l’espérance sachant combien l’avenir était sombre et combien notre destin était incertain et nos vies mêmes menacées.

Notre Lycée, pour moi, ce sont aussi des visages.

Ceux des camarades qui nous quittèrent trop tôt : DE GERIN, VIALLE, PACTON, pardonnez-moi si j’en oublie. Ceux des professeurs aussi, que nous avons parfois fait souffrir sans doute, mais que nous aimions bien tout de même. Je pense notamment à notre Professeur de Maths, Mr LAMIDEY. Je me souviens, en particulier que tout nous était bon pour gagner quelque temps sur I’interminable durée du cours, et que, mettant à profit la pénurie, nous lui demandions la recette pour faire du savon avec du suif et de la soude caustique. Ainsi, nous échappions avec soulagement à l’interrogation redoutée.

Par bonheur, je n’ai pas que des souvenirs mélancoliques, et notre Lycée me rappelle aussi notre grand et célèbre Jean-Louis BONCOEUR. Je n’ai pas oublié qu’il fût mon professeur de dessin. Je dessinais abominablement, et avec tout son talent et sa gentillesse, il corrigeait et remodelait mes dessins, pour me donner ensuite des notes généreuses.

C’est lui également qui nous faisait monter sur les planches, et je me souviens avec émotion que je fus son frère dans une pièce de Jean Richepin, qui s’appelait, je crois, « Le Corsaire ».

J’ai quitté notre bon vieux collège (c’était un Collège à l’époque) il y a de longues années. J’ai suivi une longue route et je suis un peu un passant. Mais cette terre de George Sand, où il fait bon vivre, est restée pour moi une terre d’élection. C’est pourquoi je suis heureux de me retrouver avec vous. Et je suis heureux de constater que cette année, nos cadets sont venus plus nombreux, et que les sourires féminins sont plus nombreux. Ne croyez pas que les Magistrats soient misogynes, et j’ai eu le plaisir, dernièrement, d’accueillir au Parquet de Châteauroux une jeune collègue de 25 ans, qui mon nouveau Substitut. N’oublions pas non plus que le Collège de La Châtre était un Collège mixte, et c’était une excellente formule.

Je salue donc toute cette jeune classe, qui vient apporter un souffle nouveau, et qui est prête à reprendre le flambeau de notre Amicale.

Je souhaite que des soirées sympathiques nous réunissent longtemps encore comme aujourd’hui, et je suis sûr que l’assistance y sera de plus en plus assidue et fervente. Car, à mesure que le temps s’écoule, les souvenirs de ‘adolescence et l’age tendre acquièrent de plus en plus de prix, et ce que nous cherchons tous, c’est à revivre nos rèves, les espoirs et les illusions de nos vingt ans, c’est-à-dire à retrouver, au sein d’une chaude amitié, le parfum et l’écho de la Jeunesse.

Jacques Chartier, le 6 juillet 1972


MENU DU DINER AMICAL - AUBERGE DE L'ECU DE FRANCE
Ste-SEVERE - Alain BLANCHET, maître-traiteur 

LA CREME DE FOIE GRAS
LE SAUMON EN BELLEVUE
LE CUL DE VEAU
LA SALADE
LE PLATEAU DE FROMAGES
L'OMELETTE NORVEGIENNE

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1970 – Qui est donc ce pauvre président ?

Extraordinaire !…. Prodigieux !…. Excellent !…. Fort Bon !…. Convenable !… Tout juste acceptable!…. Médiocre !… Franchement dégueulasse !…
Voici, dans leur extrême variété, les réflexions qu’on pouvait entendre à la sortie de notre dîner amical du …. juillet dernier, à ………

Cet « arc en ciel » de commentaires : les uns élogieux, d’autres critiques, d’autres dénigrants, amène à plusieurs constatations.
La première est que, dans un repas, quel que soit son menu, il y a toujours des contents et des mécontents, des mal servis et des comblés, des gourmands et des gourmets, des esprits bienveillants et des esprits chagrins…
La seconde est qu’il est difficile de choisir, en se fiant à ses propres goûts, un menu pour 50 autres personnes.

Mon « option » (que je croyais raisonnable) a été mise en défaut ! Je n’avais pas choisi : j’avais fait confiance au Chef qui avait tout intérêt à nous bien traiter.
Hélas ! Les uns ont boudé le « baron d’agneau », d’autres la « réserve du patron »… Seule la « terrine maison » semble avoir trouvé grâce devant la majorité des détracteurs…
Personnellement, avec bon nombre d’amis autour de moi, j’ai trouvé ce dîner excellent, copieux, bien présenté et agréablement arrosé…

Le service un peu lent ? Peut-être… Mais étions-nous donc si pressés ?

Un bon dîner « impromptu » pour 75 francs !
Je dis bien : impromptu, car son menu n’a pas été étudié avec de grandes exigences de gourmets, mais établi en quelques minutes, d’après la carte d’un traiteur faisant part de ses possibilités pour un « prix-plafond » imposé, sans garantie aucune du nombre de convives prévus.

Avec la complicité de…, habitué de………, maison de bonne réputation, nous avons fait pour le mieux !

Allions-nous décréter : « Mettez du chevreuil… et des lumas… Nous adorons cela ! »
Serions-nous 40, 60 ou 80 ?… Toujours le petit drame des inscriptions tardives !

Réjouissons-nous du projet de constitution… d’une COMMISSION DU BANQUET qui prendra la responsabilité d’un menu de son choix, pour un prix… raisonnable, dans un restaurant (pas trop éloigné de La Châtre) sélectionné par elle…

Et souhaitons qu’à la sortie du dîner de l’an prochain qui est, à mon avis, plus une occasion de « retrouvailles » qu’un rendez-vous gastronomique, les commentaires ne soient pas… inversés et que les heureux d’hier ne deviennent pas les mécontents de demain…

Bravo les « fines gueules » ! A vous de jouer !

Le pauvre Président (Jean-Louis Boncoeur – Edouard Lévêque dans les années 70)
« Eventail de commentaires sur un dîner d’amis »

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